suite extraits du livre d'Eva Joly ...page 23 et suivantes...
" La crise de l'automne 2008 a déchiré le voile d'un consensus fataliste, qui nous a longtemps fait croire que finalement chacun méritait plus au moins son sort, puisqu'il n'y avait pas de meilleur système que les lois de la finance pour réguler la société.
"Mais voilà que l'on a découvert soudain que certains banquiers se comportent comme de véritables mafieux ! " s'exclame John. Et qu'ils dissimulent leurs activités néfastes dans des enclaves où l'on peut s'affranchir des lois, pour truquer les comptes et cacher des fortunes colassales : les paradis fiscaux. (que nos gouvernants condamnent du bout des lèvres). Ces territoires offshore sont depuis longtemps l'obsession de John Christensen (qui en connait tous les rouages). Il en vient, lui qui a grandi dans l'île anglo-normande de Jersey. Il y a travaillé au coeur même du système, puisqu'il fut, pendant onze longues années, le conseiller économique du gouvernement de Jersey.
Il a compris. Très vite, trop tôt. Bien avant que le sujet fasse la une des médias : "Les paradis fiscaux ? Bof, connais pas vraiment... Mais pourquoi donc cela vous intéresse-t-il tant ?". Voilà ce qu'il s'est entendu dire pendant des années. Lui-même, il a mis du temps à formuler ce qui le tracassait réellement. Il manquait des mots, des pièces du puzzle. John s'est souvent senti très seul : "pendant des années, les paradis fiscaux n'intéressaient qu'une dizaine de personnes dans le monde et nous avançions à tâtons, sans comprendre le tableau d'ensemble."
Ses questions semblaient souvent absurbes à ses interlocuteurs. Combien d'argent transite par ces enclaves offshore ? Quel impact ont-elles sur les pays du sud ? N'y aurait-il pas un lien entre la pauvreté persistante du tiers-monde et l'existence de ces niches financières qui prospèrent dans l'ombre. Pourquoi la pauvreté résiste à tout ?
Au début des années 1970, le jeune John quitte son île de Jersey pour travailler dans une grande entreprise à Londres. Dans la capitale britannique, il rencontre du monde., fréquente des gens d'Oxfam, l'une des plus grandes ONG internationales, très impliquée dans la lutte contre la pauvreté dans le monde. On l'invite à rejoindre un petit groupe au sein de l'organisation, qui étudie l'impact des politiques agricoles européennes sur les pays africains. John s'est toujours intéressé à l'agriculture. A Jersey, il a grandi dans une ferme, entouré d'une grande famille de sept enfants, entre un père danois et une mère d'origine allemande. Petit, il voulait être fermier. Mais dans les années 1970, remettre en cause les bienfaits des exportations agricoles vers le Sud semblait incongru.
"Pour la plupart des gens ce n'était même pas un sujet de débat : à quoi bon étudier l'impact des politiques agricoles de l'Europe ? Comment pourraient-elles faire du mal à l'Afrique ? Il a fallu des années avant qu'on admette que l'importation massive de poulet ou de riz à des prix bradés tuent les productions locales" rappelle John.
A sein d'Oxfam, on apprécie l'énergie et la perspicacité de ce jeune homme bouillonnant qui n'hésite pas à remettre en cause les évidences. L'ONG l'envoie en Inde étudier le microcrédit. Il y découvre le cercle vertueux des petites mesures qui font de grands changements.
"La recette est simple : ça marche, tout simplement parce que tout le monde y a intérêt. La défaillance d'un seul membre du groupe entraîne la fin des profits de tous. Ce n'est donc pas toléré. La pression collective fait que tous jouent le jeu." souligne-t-il. La leçon sera retenue : le progrès et le développement sont possibles, si les règles sont les mêmes pour tous.
John pense alors avoir enfin trouvé sa voie : il sera économiste, spécialisé dans les politiques agricoles des pays en voie de développement. Il décide donc de reprendre ses études.Mais quand il rejoint la prestigieuse université de Reading, le monde est déjà en train de changer. "C'était en 1979. L'année où M. Tharcher et Reagan ont commencé à organiser la dérégulation des marches de capitaux. ...... il fallait regarder de très près les conséquences nouvelles de ces vastes mouvements d'argent, désormais libérés de toutes entraves", dit-il.
demain la suite .... si vous êtes impatient - vous pouvez vous rendre ches votre librairie afin d'acheter le livre de Mme Eva Joly : "Des héros ordinaires".
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