Editorial

lundi 17 novembre 2008

Tous perdants, sauf...

Et les vainqueurs du congrès de Reims sont : Nicolas Sarkozy, préservé, en pleine crise et pour longtemps, de vrai concurrent ; François Bayrou, qui voit se renforcer le rôle arbitral du centre à la veille des élections européennes ; Olivier Besancenot, qui dispose d'un précieux temps pour transformer son audience protestataire en électorat plus stable.

Malgré la décision de Bertrand Delanoë de ne pas diviser davantage le PS par une quatrième candidature à la succession de François Hollande, le 75e congrès socialiste se solde par un fiasco : ni synthèse ni accord partiel. Que des perdants.

Vous aviez aimé Rennes 1990 et ses rivalités théâtrales ? Vous aurez adoré Reims 2008 dont le rideau rose se ferme sur l'image d'un PS éclaté, jusque dans son coeur. On savait le pire possible. On peine, néanmoins, à comprendre qu'autant d'intelligences réunies ¯ mais surtout d'ambitions et de détestations assassines ¯ soient parvenues à réduire les onze ans de l'ère Hollande à un tas de ruines idéologiques.

Le Parti socialiste, ils l'aiment tant qu'ils en ont inventé trois. Une fracture bizarroïde et profonde sépare, en effet, les mondes de Ségolène Royal, Martine Aubry et Benoît Hamon, les prétendants à la rue de Solférino.

Une ligne qui zigzague entre gauche affirmée et social-démocratie molle, entre le dirigisme et l'incitatif, la passivité et l'offensive, l'ancrage historique et la réactivité à l'air du temps, le local et le national, la passion des idées et l'idolâtrie.

Une cassure culturelle entre les rationnels et les affectifs, les laïques et les mystiques, les conservateurs et les audacieux, la richesse du fond et le clinquant de la forme, la manière de parler du PS comme d'une marque ou de le porter dans ses tripes...

Gommer ces différences signifie que le futur premier secrétaire aura tout à faire. Plus encore que dans les autres partis sociaux-démocrates européens, eux aussi en crise. Un tout qui ne représente pas moins de quatre défis.

Imposer un leadership : les haines ¯ le mot n'est pas exagéré ¯ sont telles qu'il sera difficile de gagner sans que la moitié du parti ne se mette aux abonnés absents, déserte ou passe son temps à savonner des planches. Trois candidats pour un fauteuil ? Plutôt un référendum pour ou contre la présidente du Poitou-Charentes.

Construire un parti : on n'entretient pas le débat dans un pays de 63 millions d'habitants avec seulement 130 000 adhérents actifs ; avec une tête qui ignore ses membres ; avec des voix cacophoniques ; avec des actes contraires aux décisions des militants, comme sur l'Europe.

Proposer des idées : les socialistes courent derrière Nicolas Sarkozy. Ils n'ont ni la méthode ni le temps de nourrir des contre-propositions, de mettre de la cohérence entre le national et l'européen, de s'accorder sur une alternative lisible et crédible à un moment où la mondialisation érode les marges de manoeuvre.

Imaginer des alliances : avec une gauche minoritaire, il n'y a pas d'avenir pour le Parti socialiste sans accords de gouvernement, sans la prise en compte d'électorats fragilisés, inquiets, parfois tentés de se réfugier dans l'illusion extrémiste.

Le futur premier secrétaire aura tout cela à faire dans un parti qui marche sur la tête. Le PS a, en effet, inventé cette géniale machine à tout bloquer en élisant, un jour, son « Parlement » à la proportionnelle, un autre jour, son premier secrétaire au suffrage universel direct. Une mécanique qui produit une sorte de cohabitation oùle patron n'a pas forcément de majorité. C'est dire la responsabilité qui pèsera, jeudi et vendredi, sur les épaules de militants déjà passablement écoeurés.

Michel URVOY
Michel URVOY

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