Tous perdants, sauf...
Et les vainqueurs du congrès de Reims sont : Nicolas
Sarkozy, préservé, en pleine crise et pour longtemps, de vrai concurrent ;
François Bayrou, qui voit se renforcer le rôle arbitral du centre à la veille
des élections européennes ; Olivier Besancenot, qui dispose d'un précieux
temps pour transformer son audience protestataire en électorat plus
stable.
Malgré la décision de Bertrand Delanoë de ne pas diviser
davantage le PS par une quatrième candidature à la succession de François
Hollande, le 75e congrès socialiste se solde par un fiasco : ni
synthèse ni accord partiel. Que des perdants.
Vous aviez aimé Rennes 1990
et ses rivalités théâtrales ? Vous aurez adoré Reims 2008 dont le rideau
rose se ferme sur l'image d'un PS éclaté, jusque dans son coeur. On savait le
pire possible. On peine, néanmoins, à comprendre qu'autant d'intelligences
réunies ¯ mais surtout d'ambitions et de détestations
assassines ¯ soient parvenues à réduire les onze ans de l'ère Hollande
à un tas de ruines idéologiques.
Le Parti socialiste, ils l'aiment tant
qu'ils en ont inventé trois. Une fracture bizarroïde et profonde sépare, en
effet, les mondes de Ségolène Royal, Martine Aubry et Benoît Hamon, les
prétendants à la rue de Solférino.
Une ligne qui zigzague entre
gauche affirmée et social-démocratie molle, entre le dirigisme et l'incitatif,
la passivité et l'offensive, l'ancrage historique et la réactivité à l'air du
temps, le local et le national, la passion des idées et l'idolâtrie.
Une
cassure culturelle entre les rationnels et les affectifs, les laïques et les
mystiques, les conservateurs et les audacieux, la richesse du fond et le
clinquant de la forme, la manière de parler du PS comme d'une marque ou de le
porter dans ses tripes...
Gommer ces différences signifie que le futur
premier secrétaire aura tout à faire. Plus encore que dans les autres partis
sociaux-démocrates européens, eux aussi en crise. Un tout qui ne représente pas
moins de quatre défis.
Imposer un leadership : les
haines ¯ le mot n'est pas exagéré ¯ sont telles qu'il sera
difficile de gagner sans que la moitié du parti ne se mette aux abonnés absents,
déserte ou passe son temps à savonner des planches. Trois candidats pour un
fauteuil ? Plutôt un référendum pour ou contre la présidente du
Poitou-Charentes.
Construire un parti : on n'entretient pas le débat
dans un pays de 63 millions d'habitants avec seulement 130 000
adhérents actifs ; avec une tête qui ignore ses membres ; avec des
voix cacophoniques ; avec des actes contraires aux décisions des militants,
comme sur l'Europe.
Proposer des idées : les socialistes courent
derrière Nicolas Sarkozy. Ils n'ont ni la méthode ni le temps de nourrir des
contre-propositions, de mettre de la cohérence entre le national et l'européen,
de s'accorder sur une alternative lisible et crédible à un moment où la
mondialisation érode les marges de manoeuvre.
Imaginer des
alliances : avec une gauche minoritaire, il n'y a pas d'avenir pour le
Parti socialiste sans accords de gouvernement, sans la prise en compte
d'électorats fragilisés, inquiets, parfois tentés de se réfugier dans l'illusion
extrémiste.
Le futur premier secrétaire aura tout cela à faire dans un
parti qui marche sur la tête. Le PS a, en effet, inventé cette géniale machine à
tout bloquer en élisant, un jour, son « Parlement » à la
proportionnelle, un autre jour, son premier secrétaire au suffrage universel
direct. Une mécanique qui produit une sorte de cohabitation oùle patron n'a pas
forcément de majorité. C'est dire la responsabilité qui pèsera, jeudi et
vendredi, sur les épaules de militants déjà passablement écoeurés.
Michel
URVOY
Michel URVOY