D�bats

Publi� le 18/12/2008 N�1892 Le Point

Le bloc-notes de Bernard-Henri L�vy - France t�l�visions, derni�re ?

Bernard-Henri L�vy

Je continue de penser que la suppression de la publicit�, sans augmentation de la redevance, �tait une erreur. Et ce pour quatre raisons que, les jeux �tant apparemment faits, je ne rappellerai que pour m�moire.

1) Le financement alternatif, taxant le chiffre d'affaires publicitaire des cha�nes priv�es ainsi que les fournisseurs d'acc�s � Internet, n'offre pas les garanties de p�rennit� qu'exige un service public.

2) La loi n'�tait pas encore vot�e qu'un amendement r�duisait d�j� de moiti� les deux taxes et le faisait, surtout, sans que f�t explicitement oppos�e � l'Etat l'obligation de � compensation financi�re int�grale � r�clam�e par certains membres de la Commission.

3) Ces taxes ne pouvant, � l'inverse de la redevance, �tre directement vers�es dans les caisses de France T�l�visions devront transiter par le budget g�n�ral de la nation qui les restituera � son rythme, au rythme de ses d�ficits et selon le bon plaisir de responsables dont on ne peut, h�las, exclure qu'ils usent de ce pouvoir nouveau.

4) L'on ose � peine imaginer, enfin, l'impasse o� l'on serait si, en janvier prochain, une fois la publicit� disparue des �crans, les taxes en question se voyaient retoqu�es, soit par la Commission europ�enne (au nom du principe de libert� de la prestation de services), soit par le Conseil constitutionnel (au nom d'un droit fiscal pouvant trouver � redire � ce transfert de ressources depuis des entreprises dont la vocation n'est pas de faire de la t�l�vision)-hypoth�ses que nos apprentis sorciers semblent, dans leur �trange h�te, ne pas avoir s�rieusement envisag�es...

Reste un point qui est, lui, toujours en attente du vote du S�nat et dont je veux dire, une derni�re fois, pourquoi il est inacceptable : la nomination et la r�vocation, en conseil des ministres, du pr�sident de France T�l�visions.

Le mot, d�j�, de r�vocation.

Ce mot terrible qui assimilerait son statut � celui d'un domestique ou d'un directeur de cabinet.

La menace que cette perspective m�me de r�vocation pouvant survenir � tout instant (car c'est bien ce que l'on a signifi� en renvoyant dans les cordes ceux qui souhaitaient voir inscrite dans le texte la notion, au moins, de � faute lourde �) ferait peser sur des �quipes dont le bien le plus pr�cieux �tait ce mixte de dur�e, de stabilit�, de s�r�nit�, qui deviendrait aussit�t, et structurellement, caduc.

Le retour au temps de l'ORTF et des directeurs de l'information prenant leurs ordres chez le ministre.

Bref, un grand bond en arri�re qui-fait suffisamment rare dans l'histoire des d�mocraties pour qu'il ne soit pas exclu, l� non plus, que les juges du Conseil constitutionnel s'en inqui�tent-liquide un droit acquis, nous prive de ce bien rare qu'est un embryon de contre-pouvoir et nous aligne, ce faisant, sur le seul pays europ�en � fonctionner ainsi : l'Italie de Berlusconi.

Au moins les choses seront-elles claires, r�p�tent, avec une intarissable jubilation, les thurif�raires du sarkozysme cathodique.

Au moins sortira-t-on de l'hypocrisie qui faisait croire � l'ind�pendance d'une autorit� de r�gulation dont chacun sait qu'elle �tait � notre botte.

L'argument est insultant pour ceux qui, de la Haute Autorit� de Mich�le Cotta au CSA de Bourges ou Baudis, ont �t� un peu mieux que des pantins et ont tent� de remplir leur mission avec probit�.

Mais il est surtout choquant par l'id�e que l'on se fait du fonctionnement d'une soci�t� : quand une institution marche mal, faut-il la d�truire ou l'amender ? faut-il dire � pas d'institution du tout � ou � une meilleure institution � ? faut-il, sous pr�texte que d'aucuns se conduisent comme des larbins, institutionnaliser le larbinat ? fallait-il, en un mot, que le vice se pr�val�t de ses propres turpitudes ? et cette mani�re d'arguer des failles d'un syst�me pour le remplacer par un syst�me ouvertement d�linquant, cette fa�on de se gausser de la faillibilit� des hommes pour d�cr�ter nul et non avenu l'effort lent, patient, parfois ingrat, que l'on fait pour y rem�dier et qui est l'essence de la d�mocratie, ne rappellent-elles pas cette � politique du pire �, venue de l'autre bord, et qui consistait, quand un homme � tombait le masque �, quand un Etat r�v�lait son � vrai visage �, � �nonner le m�me : � au moins les choses sont claires, mieux vaut un franc salopard qu'un fasciste d�guis� � ?

La France avait le choix entre plusieurs solutions pour, non pas casser le syst�me, mais le faire avancer.

Il y avait le cas de l'Espagne, o� les dirigeants des cha�nes sont nomm�s par le Parlement.

Celui de la ZDF allemande, qui les voit nomm�s par un coll�ge issu de la soci�t� civile.

Il y avait le BBC Trust, mod�le d'ind�pendance.

Elle a choisi la machine � remonter le temps.

Elle a opt�, bien dans l'esprit de l'�poque, pour le cynisme ricaneur de la toute-puissance assum�e.

Puissent les s�nateurs prendre la mesure de cette in�dite r�gression.

Puisse l'opinion se r�veiller pour de bon et dire non � une mise sous tutelle dont on avait oubli� le mauvais parfum.

En d�pend cette capacit� � penser par soi-m�me, librement, sans tutelle justement, dont nous savons qu'elle est l'esprit m�me des Lumi�res et, donc, de la d�mocratie.

J'esp�re.

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